L’engagement d’Odile
Transmettre la Parole est une vraie source de vie.
Soeur Odile Hermann est engagée depuis quatre ans comme responsable de l’aumônerie de l’enseignement public des collèges et lycées de Décines, dans
la banlieue est de Lyon. Elle est aussi en coresponsabilité avec le curé de la
paroisse. Elle répond aux questions de Marie-Hélène Robert.
Sommaire : Et à l’aumônerie, qu’est-ce que tu vis ? Comment rejoindre les autres, ceux qui ne viennent pas ? Tu es seule dans cette mission ? Comment sont formés les animateurs ?
Odile, en quoi consiste cette responsabilité paroissiale ?
Tout se tient dans une paroisse, et il est important d’être en lien avec les différentes réalités qui sont vécues par les chrétiens.
Je consacre du temps pour la préparation et la célébration des funérailles, le conseil pastoral, l’accompagnement des confirmands adultes, l’accompagnement individuel au baptême.
Je dois aussi suppléer le curé lorsqu’il s’absente (préparation avec les membres de l’EAP et du conseil pastoral des célébrations de la parole du dimanche).
Je tiens une permanence hebdomadaire à la paroisse, qui me permet de rencontrer les personnes, lorsqu’elles demandent le baptême d’un enfant, un mariage, une
messe pour leurs défunts, mais aussi lorsqu’elles viennent parler de leurs questions ou de celles touchant
l’actualité de l’Église.
J’épaule aussi la responsable de la catéchèse. Je me rends encore dans les familles pour prier avec elles autour d’un des proches qui est en fin de vie ou dans les maisons de retraite.
Et à l’aumônerie, qu’est-ce que tu vis ?
A l’aumônerie des collèges (de la 6e à la 3e), 31 jeunes
sont accompagnés par des animateurs, dont je suis
chargée de la formation ; je prépare avec eux les temps
forts de l’année, les camps, les sacrements, les
rencontres diocésaines, et j’y participe.
Ces jeunes sont très dynamiques et demandeurs ; ils
savent s’organiser. L’aumônerie est un lieu
d’apprentissage de la vie, où ils peuvent rencontrer
d’autres jeunes pour qui la foi est importante. C’est un
âge difficile, dont peu d’adultes veulent s’occuper ; mais
c’est extraordinaire d’accompagner des jeunes en recherche, en interrogation sur leur vie.
Les animateurs comprennent l’importance de leur mission : la vie des jeunes et leur vie de foi
s’opposent parfois, et il faut être là pour les aider à prendre conscience des choix qu’ils ont à vivre,
maintenant et pour leur avenir.
Et les lycéens ?
Le lycée compte 1800 élèves et 10 seulement osent traverser la route le vendredi soir pour venir partager
leurs questions, préparer un sacrement, prendre un temps de détente.
Comment rejoindre les autres, ceux qui ne viennent pas ?
Je n’ai pas le droit d’entrer dans le lycée, ni de leur parler dans la rue. Mais je rencontre le proviseur
deux fois par an, je lui donne les informations et les tracts, qui sont mis dans les dossiers des élèves. Il
me présente comme soeur Odile aux gens qui nous
croisent, ce qui est bien accueilli. Mais il n’y a guère de
suite, et nous ne parlons jamais des jeunes qui viennent
à l’aumônerie, sauf si l’un pose vraiment problème au
lycée.
Il faut savoir que le milieu est très islamisé. Nous avons des relations de bon voisinage, mais on ne peut guère
aller plus loin.
Je croise à la paroisse des jeunes qui ne viennent pas Ã
l’aumônerie, mais lorsque je les interpelle, ils me
répondent qu’il y a trop d’écart entre ce qu’ils
découvrent au lycée et l’aumônerie. Ils disent avoir
besoin de prendre un peu de recul, temporairement.
Et ceux qui viennent, que cherchent-ils ?
Nous avons des rencontres à partir de ce qu’ils vivent. Ils se préparent sérieusement à la confirmation,
qu’ils recevront en janvier prochain. Deux seront baptisés cette année. Ils aiment prendre un long temps
de prière à l’oratoire. Ils ont découvert la grandeur du silence, qui leur permet de se recentrer sur
l’essentiel, dans leur vie.
Cette recherche de Dieu, ce goût de se plonger dans les Evangiles, ils les ont
fortifiés à Taizé. Je les invite aussi à poser un autre regard sur les autres : c’est dans le respect que Dieu
se manifeste.
Ils aiment venir dans ce lieu, parce qu’ils savent que c’est le leur ; ils en prennent soin. Le diocèse
voulait fermer cette maison, non rentable, mais les jeunes se sont mis à planter et à vendre des tomates
pour payer les frais de la maison. Ils ont aussi organisé un bric-à -brac, qui a bien rapporté ! Ils y tiennent
donc, à leur aumônerie.
Tu es seule dans cette mission ?
Non, l’an dernier j’avais une jeune avec moi ; cette année, un séminariste d’un autre diocèse, Louis,
venait tous les vendredis pour accompagner les jeunes dans la réflexion, le partage, la prière. Il m’aide
aussi à préparer les sorties. Il a été ordonné diacre cette
année et sera prêtre du Prado, ce qui a beaucoup marqué
les jeunes. Du coup, ils ont posé des questions sur notre
vocation et notre vie religieuse.
As-tu d’autres responsabilités en lien avec cette
mission ?
Oui, je suis dans l’équipe ressource du diocèse pour les
aumôneries de l’enseignement public : nous sommes
cinq autour de la déléguée épiscopale et nous faisons le
lien entre le diocèse et les projets des aumôneries du
diocèse et de la « province », qui regroupe plusieurs
diocèses.
Je suis donc chargée de suivre et de soutenir une « aire pastorale » (un groupe d’animateurs laïcs en
mission ecclésiale du doyenné du Rhône vert et des prêtres engagés dans les aumôneries) : ils expriment
leurs engagements, leurs projets, leurs difficultés. Je les retransmets à l’équipe tous les mois et nous
faisons une évaluation.
Comment sont formés les animateurs ?
Ils reçoivent la même formation que tous ceux qui sont appelés à une responsabilité dans le diocèse (pastorale des malades, catéchèse, catéchuménat, etc.) Ils sont formés deux ans à la FLAME (formation des laïcs en mission ecclésiale), qui dépend du Sedif (service diocésain de formation).
S’ils veulent aller plus loin dans la formation théologique, ils peuvent suivre les cours de l’Iper (Institut pastoral des études religieuses, à l’Université catholique de Lyon), ou les cours de la Faculté de théologie.
L’Iper demande aussi la validation de deux stages. J’accompagne cette année une ces personnes qui se
prépare à être responsable d’aumônerie.
Au Sedif, tous les quinze jours, je forme des personnes appelées à animer des rencontres avec les
adultes. Nous relisons leurs pratiques et je leur donne un cours de pédagogie. Je les suis aussi sur le
terrain.
Es-tu heureuse dans ta mission ?
Oui, vraiment ! c’est une mission aux multiples visages, très riche !
J’ai toujours trouvé des personnes qui m’ont fait confiance et qui m’ont fait aller de l’avant. C’est aussi
grâce aux jeunes que je suis restée jeune, même si l’âge avance ! Ces jeunes m’ont aidée à approfondir
ma foi parce qu’avec eux, il faut être vrai, il faut être soi-même. Dans notre société, ce n’est pas facile
de faire une remarque à un jeune ou d’exprimer notre désaccord, mais l’expérience montre que cela les a
fait réfléchir et les a mis en chemin.
Je me rends compte que l’Esprit de Dieu fait le travail dans le coeur de ceux qui acceptent de lui ouvrir
la porte, nous ne sommes que des serviteurs. Et c’est notre joie. Transmettre la Parole est une vraie
source de vie. La mission est en tous lieux, je la vis en soeur missionnaire ; je suis souvent interpellée
par les gens sur la spécificité de ce que nous sommes et vivons. L’Afrique nous a façonnées. Notre
simplicité de relation est très appréciée. Je donne une attention particulière aux personnes dont les
racines sont ailleurs. Je leur en montre l’importance et la beauté, qui est à cultiver, non à mettre de côté.
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