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« Jusqu'aux extrémités de la terre, vous serez mes témoins »
Sœurs Missionnaires Notre Dame des Apôtres
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 Dernière mise à jour
 le 17 janvier 2024

Réflexion sur les voeux

Soeur Odile HERMANN donne son témoignage lors de la messe du 2 février, journée mondiale de la vie consacrée

Dans nos communautés chrétiennes, ce mois de février s’ouvre par la fête de la Présentation de Jésus au temple. Pour beaucoup d’entre nous cette date du 2 février évoque surtout la Chandeleur et les crêpes qui l’accompagnent. Pour l’Eglise tout entière, ce 2 février est aussi la journée de la vie consacrée. Si cette journée n’a pas vocation à mettre la vie religieuse sur un piédestal, elle nous rappelle pourtant que la vie religieuse au cœur de ce monde est déjà signe du Royaume. Par les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, des femmes et des hommes font de leur vie une réponse au baptême qu’ils ont reçu. Leur engagement, signe du Royaume, qui est au cœur de notre temps, la vie consacrée nous provoque tous, petits et grands, à faire de notre vie une réponse au baptême. Les religieuses et les religieux qui consacrent d’une manière originale et particulière leur vie, manifestent modestement mais radicalement dans l’Eglise et dans notre société, la possibilité d’un don de soi dans un projet de vie tournée vers les autres et vers Dieu.

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Il y aura beaucoup à dire sur la vie religieuse, je m’arrêtrai plus particulièrement sur les trois vÅ“ux que tout religieux prononce au moment de son engagement dans un institut particulier : pauvreté, chasteté, obéissance. Ces vÅ“ux interrogent, interpellent me semble-t-il, ceux qui rencontrent ou qui travaillent plus particulièrement avec des religieux, des religieuses.

Qu’est-ce que la pauvreté selon l’Evangile ?
Qu’est-ce que la chasteté selon le Christ
Qu’est-ce qu’obéir et à qui obéir ?

Ces questions ne concernent pas seulement les religieux, mais tout chrétien, adulte, enfant, jeune, qui cherche à marcher à la suite du Christ. Alors, comment vivre aujourd’hui ces valeurs évangéliques dans notre monde ?

Regardons pendant quelques instants la pauvreté selon le Christ.

Dans ce monde, la pauvreté n’est envisagée que par rapport au peu d’argent qu’on a ou qu’on n’a pas. La pauvreté c’est aussi le malheur des gens qui ont beaucoup de soucis pour payer leur loyer et de quoi manger. Ce monde pense à la pauvreté par rapport à ce qu’on possède, et on est toujours plus pauvre qu’un autre.
Dans l’Evangile, Jésus ne valorise pas les soucis d’argent. Ce qu’il regarde, c’est le cÅ“ur. Pour lui, le pauvre c’est celui qui a le cÅ“ur désencombré par les soucis, celui qui est disponible, qui n’est pas sans cesse occupé de tout calculer. Jésus nous dit : « Bienheureux les cÅ“urs de pauvres le Royaume est à eux. » Comment avec les soucis de la vie pouvons-nous avoir cette liberté ? Comment pouvons-nous faire des choix qui nous dégagent de l’emprise des inquiétudes ?
Comme tous les religieux, j’ai un jour fait ce choix radical, qui est à refaire tous les jours, à savoir ne rien posséder à soi. Nous vivons dans des maisons que nous partageons avec d’autres, elles appartiennent à la communauté, à la congrégation ou parfois aux paroisses, à l’Eglise qui en est le propriétaire. Nous ne possédons ni les meubles qui nous servent, ni la voiture qui est mise à notre disposition, ni l’argent de nos salaires. Comme les premières communautés chrétiennes, nous mettons tout en commun et chacune n’utilise que ce dont elle a besoin. C’est une pauvreté au sens où nous faisons le choix de ne pas mettre l’avoir dans nos priorités, mais plutôt comme outil au service de notre vie donnée au Christ. C’est vrai ; c’est du renoncement, ce n’est pas toujours facile, mais cela donne de la joie, car à travers cette simplicité de vie, c’est le partage, la rencontre l’échange qui prennent la première place.
Vous sentez-vous étrangers à cette valeur de la pauvreté ? Je ne pense pas. On peut se poser la question : Comment être pauvre en vivant au cÅ“ur des soucis quotidiens d’une famille ? Qu’est-ce qui est prioritaire pour moi ? Qu’est-ce qui guide ma vie, mes choix, dans quoi est-ce que je m’investis en temps comme en argent ? Les enfants et les jeunes peuvent aussi se poser la question du comment est-ce que je cherche à partager plutôt que de me vanter ? Est-ce que je suis prêt à donner gratuitement à un copain, à une amie ou à quelqu’un à qui ça ferait plaisir, ou est-ce que je veille jalousement sur mes trésors ?

Essayons maintenant de comprendre cette question de la chasteté selon le Christ

La chasteté, ce n’est pas toujours ce qu’on pense pour les religieux. Certains pensent que le fait d’avoir fait vœu de chasteté transforme la personne à part entière. Non. La chasteté selon le Christ c’est de faire de l’autre, mon voisin, mon ami, mon conjoint, mes enfants, des partenaires avec qui partager. C’est les aimer pour eux-mêmes et non pour les garder pour soi, les étouffer.
Les religieux ont fait le choix d’être des compagnons du Christ, de vivre pour lui, avec lui, comme lui. Ils essaient de laisser le Christ vivre en eux au point de devenir par leur manière de vivre, par leurs paroles et leurs engagements, des témoins du Christ. Ils ont fait l’expérience de la rencontre avec quelqu’un qui est le Christ, qui a pris place dans leur vie et qui leur a donné l’audace de répondre à son amour par un choix de vie qui fait d’eux des messagers, des témoins de l’amour de Père et du Fils.
Malgré leur choix de vie, nous savons que les religieux ne sont pas parfaits, mais qu’ils essaient de témoigner de celui qui est l’essentiel de leur vie. Vous tous vous êtes invités à cette chasteté du cÅ“ur que le Christ propose dans votre vie de couple, dans votre vie de famille, de travail ; comment aimer l’autre non pas pour ce qu’il m’apporte, mais pour lui. L’aimer parce qu’il est là, tel qu’il est, sans que je n’aie d’emprise sur lui ou elle.
Les jeunes peuvent aussi se poser la question : Comment est-ce que je peux apprendre à aimer mes amis, sans être possessif ou jaloux ? Je peux aussi être heureux qu’un copain ait du plaisir avec d’autres que moi, qu’il ait des projets qui le passionnent même si je ne les partage pas. C’est tout un programme pour chacun d’entre nous !

Regardons pour terminer le vœu d’obéissance qui souvent a mauvaise presse.

Nous pensons souvent et tout de suite que c’est se soumettre à quelqu’un, que c’est taire en nous ce que nous ne voulons pas, que c’est écraser sa personnalité devant l’autoritarisme d’un autre.
Essayons de comprendre : S’il est vrai que les enfants doivent apprendre à obéir à leurs parents, c’est parce que les parents les aiment, qu’ils veulent leur donner le meilleur d’eux-mêmes, une bonne colonne vertébrale pour tenir debout dans la vie, de bons outils pour que leur vie grandisse, se développe et que le bonheur soit au rendez-vous de leur vie quotidienne.
Les religieux ont choisi de se mettre à l’écoute de la parole du Christ, à travers l’Evangile, à travers la prière et la disponibilité, à travers la rencontre de personnes engagées aussi à la suite du Christ. C’est à ces paroles que les religieux obéissent. La Parole passe par les autres, pas seulement les supérieurs, mais aussi par eux, et surtout elle passe dans ce qui se dit entre nous, qui nous mobilise, nous invite à aller plus loin que nos envies immédiates pour aller vers ce qui nous ouvre à une plus grande liberté.
Vous tous, vous êtes aussi invités à développer entre vous les relations d’écoute, d’échange, à discerner ce qui a vraiment de la valeur, et à accepter de faire des choix qui vous mettent dans l’obéissance d’une ligne de vie à suivre.
Pour les jeunes et les moins jeunes peut-être, il est parfois difficile de reconnaître que ce qu’ils avaient rêvé n’est pas nécessairement ce qui leur convient le mieux, mais lorsqu’ils écoutent vraiment les autres : Copains, parents ou autres, souvent ils découvrent par eux-mêmes le chemin qui est bon pour eux.

Voilà un petit éclairage sur les trois vÅ“ux que les religieux prononcent le jour de leur engagement à la suite du Christ. Les chrétiens, sans vivre dans cette radicalité, sont aussi invités à se laisser entraîner avec nous sur ces chemins, parce qu’ils sont source d’un bonheur accessible à tous ceux qui cherchent le Christ. Dieu appelle encore aujourd’hui, maintenant. Mais ce n’est pas comme si un téléphone sonnait, que vous décrochiez, et que Dieu au bout du fil vous disait : « Viens ! » Non ce n’est pas ainsi son appel. C’est infiniment plus profond, car c’est au plus profond de notre être que nous avons à découvrir ce à quoi nous sommes appelés, ce que nous sommes appelés à devenir, ce que nous sommes appelés à être.