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 Dernière mise à jour
 le 17 janvier 2024

La galère de la famille Hasani


Ils sont quinze : cinq adultes, Zarifa, la grand’mère, Ekrem et Muzafer ses deux fils, Bejramsa et Lujila ses belles-filles, et ses dix petits enfants de 18 à 5 ans. Ils sont Roms. Ils ont fui le Kosovo. Ils ont été débarqués par un passeur, un jour de juin dernier, au petit matin, à l’entrée de Rennes.

Ils ont été persécutés parce que différents. Commerçants sur les marchés du Kosovo, ils avaient un camion et une maison à Pristina. Pendant la guerre des Balkans, ils ont vécu, terrés dans leur cave, sous la menace à la fois des Albanais et des Serbes. A la fin de la guerre, les Albanais ont continué de les terroriser pour les obliger à partir et occuper leur maison. Une nuit, un groupe d’hommes armés et masqués a forcé leur porte, battu les hommes, violé les femmes, volé les bijoux et l’argent, menacé de fusiller toute la famille s’ils trouvaient encore quelqu’un à leur retour le lendemain. Au matin de l’agression, sous la protection de la Force d’Interposition, la famille a fui les Albanais et s’est réfugiée à Gracanica dans le secteur serbe chez des amis. Mais là, sans ressources, rejetée par les Serbes (ils sont Roms et musulmans), elle n’a survécu que grâce aux aides alimentaires des organisations humanitaires. Suite à l’agression sexuelle dans la rue par des jeunes serbes de Ferdana et Tidjana, deux des jeunes filles de la famille parties à la recherche de nourriture, la famille décide de quitter le Kosovo. Elle rassemble ce qui lui reste de biens, donne 5 000 euros à un passeur, voyage plusieurs jours, dans le noir, dans un camion et arrive à Rennes.

Ils pensaient être accueillis et protégés. Le Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (le CADA) de Rennes, déjà en sur-effectif, ne pouvant plus accepter de nouveaux arrivants, refuse de les accueillir et de les prendre en charge. Le collectif des sans papiers, alerte les Média, fait du forcing auprès de la Préfecture, du Conseil Général, de la Ville de Rennes. La famille, ne parlant aucun mot de français, logée sous tente, est ballottée d’occupation de la place de la Mairie, en occupation des jardins de la préfecture et du Conseil Général . En juillet, elle est installée, à 30 km de Rennes, sous tentes, sur le camping de la commune de Sens-de-Bretagne qui a bien voulu les accueillir pour un mois. Après de multiples démarches la commune de Dol de Bretagne à 60 km de Rennes, accepte de les recevoir sur son camping au mois d’août. L’association Accueillir et Partager du Centre paroissial de Saint Augustin est sollicitée pour les accompagner socialement  : apporter l’aide alimentaire, le soutien psychologique, le suivi médical, l’aide dans les démarches de demande d’asile. Malgré la pluie et le froid, la famille reste au camping de Dol, jusque fin septembre. En octobre, elle est de nouveau déménagée, pour un gîte rural à Tresboeuf, à 50 km de Rennes, à 15 km de tout âme qui vive, en pleins champs avec pour seule compagnie quelques vaches. Fin décembre la famille Hasani doit « Ã©clater » : Ekrem, Zarifa sa mère, sa femme et ses 5 enfants vont être déménagés au CADA de Bruz. Muzafer, sa femme et ses 5 enfants vont être déménagés au CADA de Bourg des Comptes.

Ils continuent de vivre l’insécurité et la précarité. En l’espace de 6 mois la famille a connu six interlocuteurs, déménagé 4 fois. Sa situation administrative risque de ne pas se régler avant des années. En effet, Roms du Kosovo, en danger dans leur pays, ils ne seront sans doute « ni régularisables, ni expulsables ». La pire des situations : « sans papiers, sans droit au logement, sans droit de travailler », sans ressources, acculée à vivre d’expédients !

En accompagnant la famille Hasani, Roms sédentarisés du Kosovo, que de richesses humaines d’hospitalité, de respect des traditions, de foi, d’humilité et de tolérance, de dignité dans le dénuement, de désir d’un avenir meilleur pour leurs enfants, j’y ai découvert. Quel partage d’humanité ! Je confie à votre prière leur demande d’asile et leur avenir. Claire-François Mason

France-Horizons n°91, décembre 05

En date du : 3 janvier 2006


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